🇫🇷 🎙️ La French #3 | Architectes + Responsable HMONP ?
Pourquoi les architectes doivent-ils passer cette formation, suite à leurs études d'architecture ?
Bruno Barbot est responsable pédagogique de la formation HMO à l'école spéciale d'architecture. Il répond à 6 questions en vidéos pour expliquer la méthode d'apprentissage de l'ESA, et les objectifs de cette formation professionnelle pour soutenir les jeunes architectes
Une phrase pour décrire notre invité :
« J’ai voulu multiplier les expériences. Je me suis donc mis à disposition de l’Ordre des Architectes, et lorsqu’un architecte avait un accident, je le remplaçais. Puis, je suis rentré en tant que directeur d’agence chez De Portzamparc. Ensuite, j’ai travaillé pour les architectes Tadao Ando et Isozaki. Enfin, j’ai dirigé les grandes agences d’architecture AIA, puis Jean Paul Viguier. Et avant tout cela, j’ai également été entrepreneur. »
ARCHITECTE + FORMATION HMONP
#01 C’est quoi l’Ecole Spéciale d’Architecture ?
#04 Quels sont les objectifs HMONP ?
#05 Quel est l’avenir de la profession ?
#06 Vos conseils pour les jeunes architectes ?
#01 C’est Quoi l’Ecole Spéciale d’Architecture ?
Cette école a été fondée par Emile Trélat à l’époque du 19eme siècle où les gens étaient très engagés, et pensaient que l’élite intellectuelle et bourgeoise pouvait améliorer le monde. Ils ont également fondé cette école contre l’école des Beaux-arts, en pensant que l’architecture était un métier. C’est la première école à avoir acceptée les femmes. Au début, elle s’appelait l’école Centrale, et comme l’école Centrale des Arts et Manufactures livre aussi un diplôme d’architecte, ils ont demandé à ce qu’elle s’appelle autrement. Elle est devenue l’école Spéciale. Effectivement, c’est une association, elle est donc spéciale. Elle a des hauts, et elle a des bas. C’est pourquoi, elle est obligée de se refonder en permanence. Cela fait sa force, et aussi sa faiblesse.
#02 Pourquoi Faire la HMONP ?
La formation HMO de l’Ecole Spéciale, aujourd’hui le ministère de la culture nous l’a dit, est l’une des meilleures et probablement la meilleure. Pourquoi ? Parce que j’ai dirigé des grandes agences, j’ai 35 ans de métier, et parce que je me suis beaucoup impliqué au fait de savoir quel était le contenu de la HMO. Tout d’abord, je ne suis pas d’accord sur le titre HMONP. « Habilitation à exercer la Maitrise d’Œuvre », les ingénieurs l’ont de fait. « En son Nom Propre », je conseille à tous les élèves de monter une société, et de ne pas exercer en leur nom propre. Pour autant, cette formation, je l’ai développée au maximum. Elle se décompose en deux parties : les obligations, comme le permis de conduire avec le code, et le mode d’exercice. J’ai invité les meilleurs spécialistes de chaque discipline : Monsieur Jacques Cabanieu pour expliquer la loi « MOP » (Maîtrise d’Ouvrage Publique), Maître Martin pour expliquer les astuces de notre métier et ses dangers. Chaque session est différente, parce qu’elle évolue à chaque session. Aujourd’hui, nous pensons mettre en place une formation de type « RIBA » (Royal Institute of British Architects), sur deux années, avec une formation REVIT, des sessions avec le GEPA sur le permis d’aménager, les certifications, etc. Le but, c’est que les candidats à l’école Spéciale, ou d’autres qui viendraient rejoindre cette formation HMO, puissent débarquer dans n’importe quelle agence au monde, et comprendre ce qu’il se dit autour de la table. Que ce soit un grand projet, ou un petit projet, le but est qu’ils comprennent ce qu’il se passe. Objectivement, je fais également partie de jurys HMO en province, et ce n’est pas le cas. Je pense qu’aujourd’hui beaucoup de candidats HMO n’ont pas l’expérience pour se lancer, et travailler tout seul.
#03 Quelle est la Méthode ?
La méthode d’enseignement est fondée sur plusieurs valeurs : le partage, être meilleur, le « tous ensemble ». Nous expliquons toutes les astuces, nos erreurs de professionnels, comment nous avons réussi, ce qui marche. La formation HMO, c’est exactement comme le BIM et la maquette numérique, c’est être meilleur « tous ensemble ». Nous nous mettons tous autour de la table, et nous développons des connaissances, de telle sorte que les étudiants qui deviennent candidats HMO puissent sortir construits. Ici, nous ne faisons pas de validation des acquis par des examens en fin de semaine, que moi je trouve stupide, les candidats sont déjà diplômés, ils ont déjà fait 5 ou 6 ans d’études supérieurs. Ici, c’est un partage sur les choses que les étudiants n’ont pas compris ou mal compris, et nous validons ensemble les acquis chaque semaine. Cela va jusqu’à l’accompagnement de certains, quand ils veulent s’associer, ou quand ils demandent des conseils. C’est un accompagnement sur mesure, c’est un moment de partage et d’empathie collective. Je pense que ce qu’il y a de plus difficile à produire dans une école, ou un lieu d’enseignement, c’est l’intelligence collective. À priori, on ne peut pas enseigner le talent. Nous, ce qu’on apporte comme enseignement c’est le travail, la rigueur, l’humilité et l’envie de bien faire ; et l’enthousiasme pour un métier très difficile. L’ambition de l’école, en tout cas la mienne, mais c’est celle de l’école, est de produire une intelligence collective.
#04 Quels sont les Objectifs HMONP ?
Je suis convaincu qu’il faut passer à une formation plus forte, de type « RIBA » (Royal Institute of British Architects) comme je l’ai exprimé auparavant, pour que cette formation devienne une harmonisation de toutes les connaissances. Souvent les candidats HMO, à la sortie de l’école, si on leur pose une question d’Architecture, ils vont répondre correctement. Ensuite, si on leur pose une question sur la technique, ou sur l’ingénierie, ils disent : « Attendez, j’ai fait des études ». Ils mettent une autre paire de lunettes, et ils ne répondent pas toujours bien. Enfin, si on leur pose une question d’économie, ils disent : « J’ai eu des cours d’économie ». Ils mettent un monocle un peu cassé, et ils répondent mal. Moi je pense qu’aujourd’hui, on accueille dans la formation HMO des futurs confrères, il faut donc qu’ils soient très armés. Il faut qu’ils perçoivent un bâtiment tout de suite dans son ampleur, qu’ils comprennent les briques, le plancher transfert, la lumière, l’acoustique, qu’ils comprennent tout. C’est comme un roman d’amour, il faut regarder un bâtiment avec une acuité intellectuelle, visuelle, sensuelle et voir tout. C’est cela que l’on essaye de faire. Il faut vraiment qu’ils comprennent les bâtiments avec une vision holistique globale.
#05 Quel est l’Avenir de la Profession ?
Notre cerveau de primate n’arrive pas à suivre l’évolution de la puissance de calcul. Aujourd’hui, il faut beaucoup d’intelligence, de flexibilité et de plasticité pour se maintenir à niveau ; et le but de la maquette numérique, c’est cela. Il faut produire, et maintenir une créativité à un niveau mondial, tout en gardant une synthèse et une rigueur professionnelle de qualité Anglo-saxonne. C’est ce que nous n’avons pas, nous, en France. Objectivement, les agences d’architectes français sont avec ce mythe de la charrette, je trouve que les anglo-saxons avec les Lods ont parfaitement défini la rigueur dans le travail. Aujourd’hui, on se focalise sur le BIM, mais le train du BIM est déjà passé. Pour les américains, que ce soit les universités d’Harvard, Stanford, ou Cornell, c’est une chose acquise. Pour moi, il n’y a pas de révolution BIM, on est dedans. Ceux qui ne le prendront pas, ou qui ne veulent pas l’apprendre, seront juste rejetés du marché. C’est bien plus intelligent de travailler en 3D, que de faire des coupes, des plans, et à chaque fois, modifier le plan, puis la coupe. La maitrise du projet, je pense que c’est un vieux mythe des Architectes. Aujourd’hui, je reprendrais les mots d’Olivier Arene de l’agence d’Architecture 2/3/4 qui disait : « Je ne sais pas si le BIM est l’avenir de l’Architecture, mais c’est certainement, l’avenir des Architectes ». Au sens où les maîtres d’ouvrage, les AMO (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage) ont découpé nos missions d’Architecte. Et grâce à la maquette numérique, on est capable de reprendre une place essentielle au cœur du projet. On maitrisera pour le coup les données faciles, à savoir les quantités, les prix unitaires, une liaison facile, les coupes. Tout va s’harmoniser en même temps. Pour autant, il va falloir dégager beaucoup d’intelligence, c’est une autre façon de penser, de voir l’espace, et les bâtiments.
#06 Vos Conseils pour les Jeunes Architectes ?
Tout d’abord, de croire en eux. Moi, j’ai trouvé que c’était des études fantastiques. Le métier est terrible, au sens où vous y trouvez une grande satisfaction, mais que cela reste un métier extrêmement exigeant. La formule de Constantin Brancusi est très juste : « Crée comme un Dieu. Ordonne comme un roi. Travaille comme un esclave ». C’est la réalité du métier. Il faut travailler beaucoup, mais il y a tellement de métiers qui sont ennuyeux. Nous, on a la chance de pouvoir réfléchir, et de pouvoir passer derrière un bâtiment que l’on a fait avec fierté, 10 ans, 20 ans après, de le montrer à ses enfants, et de le voir évoluer. Aux jeunes architectes, je les encourage à exercer ce métier, et à pouvoir aussi en changer. On peut en vivre bien et on ne s’ennuie pas, et on améliore le monde un peu quand même.